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Pour Maryse Burgot, Vladimir poutine est un paria

Au journal télévisé de 13 h de France 2, était retransmise la parade militaire de Moscou pour la commémoration de la victoire du 9 mai 1945 sur l’Allemagne nazie. Et Maryse Burgot, la journaliste qui commentait le défilé, disait : "Vladimir Poutine, paria de la communauté internationale". Et elle ajoutait, un peu plus loin : "Le défilé devait être une démonstration de force, mais, faute de victoire décisive en Ukraine, il a pris des allures de parade militaire presque comme une autre."

Remarque 1. Le terme "paria", étymologiquement, est emprunté à la langue tamoule et, dans la société indienne, désigne un sujet de la plus basse classe, qui accompagne les morts en jouant du tambour et qui, par ailleurs, ramasse les ordures. Ce paria est non seulement pauvre mais méprisé, rejeté, mis à l’écart. Même si le sens initial – qui ne s’applique pas à la société française – a été perdu de vue en français, l’expression, s’agissant de Vladimir Poutine, prend un sens social. Il exprime à peu près le sentiment qu’éprouvaient les bourgeois du XIXe siècle, effrayés par les révoltes et les revendications des "classes dangereuses", qualifiés alors, par les bourgeois, de façon méprisante, de "partageux". "Paria", "partageux", le glissement de sens de l’un à l’autre est suggéré par la syllabe initiale, et suscite dans l’esprit ce qui, implicitement, en découle : la répression, la défaite : celle de la rue Transnonain, celle des Journées de juin 1848, celle de la Commune, en 1871. [Et, aujourd’hui, comme l’espèrent les médias, celle de Vladimir Poutine].

Remarque 2. On s’arrête un instant sur l’expression "communauté internationale", très prisée des journalistes. Que recouvre-t-elle ? D’abord, il faut noter qu’elle n’est souvent employée qu’en contrepoint de figures-repoussoirs (telles que Saddam Hussein, Mahmoud Ahmadinejab, Mouammar Kadhafi, Slobodan Milosevic, Kim Jong Un, Fidel Castro, Hugo Chavez, Nicolas Maduro, Vladimir Poutine...), figures stigmatisées comme celles d’autant de dictateurs. Curieusement, les médias n’invoquent jamais la "communauté internationale", quand il s’agit de parler (et certes pas de flétrir !) des personnages tels que Hassan II, Hosni Moubarak, le maréchal Sissi, "MBS" (Mohamed Ben Salmane, gouvernant de fait de l’Arabie saoudite), tout aussi dictateurs que les précédents – mais, comme le disait cyniquement un politicien étasunien : "D’accord, ce sont des salauds, mais ce sont les nôtres"...

Remarque 3. La "communauté internationale" s’indigne, se mobilise contre ces empêcheurs de danser en rond qui, en général la "défient"... En théorie donc, cette "communauté internationale" regrouperait les quelque 194 pays représentés à l’ONU (moins les tristes sires susmentionnés). Elle regrouperait ces 194 pays... à condition toutefois d’en soustraire l’Afrique sub-saharienne, les pays musulmans (à l’exception des dictatures amies), l’Inde, l’Indochine et l’Insulinde, la Chine, la Corée du Nord, l’Amérique latine, la Russie et les ex-Républiques soviétiques d’Asie centrale... soit plus de 70 % de la population mondiale !

Remarque 4. Que reste-t-il alors de cette fameuse (ou fumeuse) communauté internationale, quand on en a défalqué cette majorité de la population mondiale ? Il en reste l’Amérique du Nord, la Communauté européenne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande. Mais s’agit-il de toute la population de ces pays ? Que nenni ! Il s’agit de ce qu’Emmanuel Macron (reprenant une thématique de Giscard d’Estaing, qui parlait de "gouverner au centre"), a appelé "l’extrême-centre" : soit les électeurs des courants sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens, qui gouvernèrent par alternance la Quatrième République, créèrent l’OTAN et la CEE, acceptèrent la guerre froide et engagèrent les guerres coloniales. Et encore ne s’expriment-ils pas eux-mêmes, ni les politiciens de leurs partis : les journalistes de ces sensibilités politiques, représentant le "cercle de la raison", le font largement à leur place : dans les chaînes de télévision et de radio de grande diffusion, dans Le Monde, Le Figaro, Libération, L’Express, Le Point, L’Obs, Télérama. Voici ce qui reste de la "communauté internationale, comme précipité au fond de la cornue, quand on a tout distillé... (Comme je l’écrivais, il y a une vingtaine d’années, dans mon glossaire du vocabulaire néo-libéral).

Remarque 5. C’est, au demeurant, ce que décrit Alain Gresh dans son article du Monde Diplomatique de ce mois, intitulé "Quand le Sud refuse de s’aligner sur l’Occident en Ukraine". Et, de fait, lorsqu’on regarde une carte du monde, les pays qui ont refusé de condamner l’attaque de l’Ukraine par la Russie – ou qui se sont abstenus, ou qui n’ont pas pris part au vote, ou qui ont refusé de décréter des sanctions – correspondent globalement à l’énumération ci-dessus : Afrique sub-saharienne, pays musulmans, Amérique latine, Inde, Chine, Insulinde, Indochine, Corée du Nord. De façon assez révélatrice, ce partage est à peu près le même que celui des pays qui ont reconnu la Palestine, et celui des autres pays qui, corrélativement, ont refusé cette reconnaissance.

Remarque 6. A propos de la "victoire décisive en Ukraine". Il est difficile de savoir ce que serait cette "victoire décisive", faute de connaître précisément les buts de guerre de Vladimir Poutine : envisage-t-il de s’emparer de toute l’Ukraine ? D’annexer le Donbass à la Russie ? Ou seulement le littoral ukrainien de la mer Noire, de façon à couper à l’Ukraine tout accès maritime ? Ou d’écraser l’armée ukrainienne ? Ou de dissuader le pays d’adhérer à l’OTAN ? Ou d’adresser un avertissement aux pays de l’OTAN ? Ou de troquer son retrait du pays contre un traité neutralisant l’Ukraine ? Ce qui est révélateur, c’est que les journalistes – qui n’en savent rien – lui ont prêté des intentions, aux fins de dire que puisque celles-ci n’auraient pas été couronnées de succès, il aurait donc subi un échec. L’une de ces intentions était d’attribuer à Vladimir Poutine une victoire significative (ou symbolique) en Ukraine impérativement avant le 9 mai, de façon à conférer plus de lustre à la commémoration de la victoire sur l’Allemagne. Les journalistes pouvaient donc, à loisir, imaginer un objectif de guerre que se serait fixé Poutine et, cet objectif n’étant pas atteint, conclure aisément à un échec, voire à une défaite.

Remarque 7. On peut néanmoins s’interroger sur la signification de la durée d’une guerre, ne serait-ce que par comparaison, et je m’étonne que les journalistes – ou leurs invités – n’y aient pas davantage pensé. Souvent, une guerre courte est synonyme de succès. Par exemple, en 1806, la France mit moins d’un mois (en octobre) pour battre l’armée prussienne. En 1866, la Prusse vainquit l’Autriche en sept semaines. La seconde guerre balkanique, en 1913, qui vit la Bulgarie accablée par une coalition de Serbes, de Grecs, de Roumains, de Monténégrins et de Turcs, ne dura qu’un mois. En 1870, l’Allemagne cassa le corps de bataille français en un mois. En 1940, l’armée française fut balayée en un mois et demi. La guerre des Malouines, en 1982, fut menée en deux mois et demi.

Remarque 8. Une confirmation a contrario est fournie par l’exemple de la Première Guerre mondiale. Lors de cette guerre, les Allemands pensaient rééditer la manœuvre de 1870 qui, à Sedan, avait complètement enveloppé l’armée française et l’avait forcée à capituler. Cette manœuvre de 1914, ayant été déjouée par le succès franco-anglais sur la Marne, en septembre, on rapporte qu’au soir de la bataille de la Marne, le général Moltke, chef du grand état-major, aurait dit à Guillaume II : "Votre Majesté, nous avons perdu la guerre". A l’inverse, lors de la Guerre d’hiver de 1939-1940, les Finlandais, quoique très inférieurs en nombre et en équipement, infligèrent, au cours du premier mois, des pertes énormes à l’Armée rouge... avant d’être finalement vaincus.

Remarque 9. Une guerre qui se prolonge accroît la probabilité de son extension et de son aggravation. C’est ce qui se passe lorsqu’un des deux belligérants n’arrive pas à prendre un avantage décisif et que des pays tiers font pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Au cours de la Première Guerre mondiale, l’empire ottoman est ainsi entré en guerre le 2 novembre 1914 (les hostilités avaient commencé fin juillet), l’Italie est entrée en guerre fin mai 1915, la Bulgarie à la mi-octobre de cette même année, la Roumanie fin août 1916, et les États-Unis début avril 1917. Ce qui a amené davantage de dégâts, davantage de morts et, surtout, des bouleversements politiques qu’on n’avait pas imaginés initialement : éclatement et disparition de quatre empires (le russe, l’allemand, l’austro-hongrois, l’ottoman), naissance de la République bolchévique, affaiblissement de l’Europe, affermissement de la prééminence américaine sur le Vieux continent, etc. La présente guerre d’Ukraine, si elle vient à se prolonger, ne se traduira pas, in fine, par une simple rectification de frontières...

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