RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

SNCF : faisons le point

Pour les cheminots, la lutte continue. Ils se battent pour eux, et aussi pour nous, usagers – pardon : « clients » – de ce qui doit demeurer un service public, et pour nous citoyens face au capitalisme financier qui nous aliène et nous bouffe la vie. Il faut les aider matériellement. Pour ma part, c’est fait, et ce sera, si nécessaire, fait de nouveau.

Quels sont les enjeux ?

Au premier chef, empêcher la privatisation de cette société, voulue par Macron, après que d’autres – la droite, les faucialistes – ont privatisé La Poste, France Télecom, Air France et d’autres fleurons qui appartenaient à l’État, c’est-à-dire au peuple.

Macron a choisi la méthode des ordonnances, dans le cadre d’un calendrier accéléré pour faire ratifier son projeeeet avant la fin juin. Il veut soumettre le rail à la concurrence, ce qui n’est en aucune manière une obligation de la réglementation européenne, quoiqu’en disent la Macronie et les médias à sa botte. Nous sommes ici dans un choix purement idéologique. Il veut changer le statut de la SNCF, qui deviendrait une société anonyme, l’État devenant un actionnaire parmi d’autres (comme pour Air France, EDF, GDF). Promesse sera faite que l’État restera majoritaire mais il ne se passera pas dix ans avant qu’il devienne minoritaire.

Concomitamment, le projeeeet implique la suppression du statut des cheminots qui, dans la logique d’une société d’État, garantit la continuité du service public. Il implique également la suppression de milliers de kilomètres de lignes secondaires, non « rentables ». 200 gares, au moins 50 lignes sont condamnées. Il reviendra aux régions, si elles le peuvent et le souhaitent, de pallier les déficiences, l’absence de l’État.

La SNCF compte 100 000 cheminots de moins qu’il y a trente ans. 25 000 suppressions d’emplois sont prévues dans les cinq ans à venir. Les médias à la botte ont fait courir divers mensonges sur les « privilèges » des cheminots :

  • les agents ne sont employés à vie que s’ils sont recrutés avant l’âge de 30 ans.
  • ils ne partent pas en retraite à l’âge de 50 ans mais entre 50 et 52 ans pour les conducteurs, 55 et 57 ans pour les autres employés. La durée de cotisation ayant été allongée depuis 2008,
  • ils subissent une décote telle qu’ils ont intérêt à partir vers 62 ans s’ils veulent bénéficier d’une retraite à peu près décente.

Les salaires à la SNCF n’ont rien d’exorbitants : 60% des agents gagnent moins de 3 000 euros brut par mois. La prime « escarbille de charbon dans l’œil » a été supprimée au début des années 70. La prime pénibilité, après 25 ans en 3X8, est de 26 euros par mois. Ce qui se situe loin des émoluments de tel ou tel membre du gouvernement actuel ayant traîné ses bottes dans les instances dirigeantes de la Société. Les cheminots bénéficient de 28 jours de repos annuel et de 10 jours de RTT.

Le statut des cheminots n’est pas un mille-feuilles d’avantages : il permet d’adapter les conditions de travail aux besoins du service public, 24 heures sur 24, 365 jours par an.

La dette de la SNCF est de 53 milliards d’euros. Elle est due pour une bonne part aux investissements considérables exigés par l’État pour financer les lignes à grande vitesse. L’État français ne finance que 32% des besoins de l’entreprise, contre 50% pour l’État allemand et 90% pour l’État suédois. Chaque année, la SNCF paye 1 milliard 700 millions d’euros d’intérêt aux banques, par exemple à la banque Rothschild, chère à notre banquier national. Le déficit n’est nullement causé par le statut des cheminots.

Perpétuellement endettée, la SNCF a recours à de la sous-traitance privée, dont les coûts, en particulier en RH, sont moindres. La SNCF a même dû entretenir des filiales qui sont en concurrence directe avec elle, comme Géodis pour le fret par camion (ancienne entreprise privée rachetée par la SNCF et qui a acquis en 2015 pour 800 millions de dollars l’entreprise étasunienne de logistique Ozburn-Hessey Logistics dont le chiffre d’affaires est de 1,2 milliard de dollars).

Les projets de construction de l’entreprise se feront dans le cadre de partenariats publics privés (les PPP). La ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux va coûter 8 milliards d’euros. Vinci assurera 10% du financement. Mais ses bénéfices seront garantis par l’État grâce à un droit de péage de chaque passager.

Ouvrir à la concurrence transformera plus que jamais les employés en variables d’ajustement. Elle va faire grimper les tarifs, comme cela a été observé en Grande-Bretagne (30%). Les Britanniques dépensent six fois plus que les Français pour leurs transports ferroviaires (14% de leurs dépenses mensuelles). Á noter que, dans le sud de l’Angleterre, 80% des trains arrivent en retard.

Les services publics ne sont pas des marchandises. Tout privatiser, c’est – à terme – nous priver de tout. « Nous » étant, pour commencer, les « clients » de la France profonde, où il n’y a déjà plus de médecine de proximité, de maternités, de crèches publiques, de bureaux de postes, de gendarmeries.

La fin de la SNCF en tant que service public, c’est l’accroissement des inégalités entre les Français.

C’est cela, le projeeeet « citoyen » du macronisme.

Bernard Gensane

URL de cet article 33347
  

Même Auteur
Maurice Tournier. Les mots de mai 68.
Bernard GENSANE
« Les révolutionnaires de Mai ont pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789 » (Michel de Certeau). A la base, la génération de mai 68 est peut-être la première génération qui, en masse, a pris conscience du pouvoir des mots, a senti que les mots n’étaient jamais neutres, qu’ils n’avaient pas forcément le même sens selon l’endroit géographique, social ou métaphorique où ils étaient prononcés, que nommer c’était tenir le monde dans sa main. Une chanson d’amour des Beatles, en fin de compte très (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

C’est seulement quand le nombre de cadavres de l’oppresseur est suffisamment grand qu’il commence à écouter.

Amilcar Cabral

Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.