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Jadis, un gouvernement comptait parmi les ministres : un mineur, trois ouvriers et un valet de ferme devenu électricien

Du mouvement de masse vers une action de classe.

Ce samedi 8 décembre, à Paris, autour de l’arc de triomphe, des cohortes de gilets jaunes venues de toute la France, ont déferlé, paisiblement. Mais sans organisation. Sans but clairement établi, sans plan de marche, autre que de battre le parvis des Champs Elysées, le calme a cédé à l’excitation et le climat a tourné à l’affrontement, ce que recherchaient les forces de l’ordre.

Un simple point de rendez-vous défini à l’avance, avec un horaire précis, aurait pourtant suffit à rassembler les gilets jaunes en masse, pour faire précisément masse, et devant laquelle les forces de l’ordre n’auraient pu faire le poids, ne pouvant faire le nombre.

Un peu d’organisation et de coordination aurait permis aussi de manœuvrer, plus tactique, de façon à éviter des affrontements stériles et souvent violents, par exemple en basculant des Champs vers la Concorde où on ne les attendait pas, puis de la Concorde vers Opéra, République ou ailleurs, et ainsi de suite avec un temps d’avance, de manière à ne pas risquer de recevoir qui un flash ball, qui une lacrymo, un coup de matraque, une grenade ou de se faire interpeller et placer ‘préventivement’ en garde à vue…

Nous écrivions récemment combien il est désormais nécessaire que le mouvement de masse des gilets jaunes se structure, s’organise et se coordonne, de manière à peser plus amplement et à tendre vers une efficacité accrue.

Sans organisation, non seulement la vitalité mais surtout la cohésion du mouvement est en péril, ce sur quoi le pouvoir en place ne va pas cesser de jouer, pour briser l’élan, diviser les masses, les stigmatiser en catégories, pour les opposer entre elles. Les actifs aux chômeurs, les chômeurs aux retraités, les artisans aux salariés, les salariés aux fonctionnaires, les smicards aux mieux lotis, les petits entrepreneurs aux employés, etc.

Alors que l’une (la masse) et l’autre (le mouvement) ne cessent, à cet instant, de s’affermir et de s’amplifier, la nécessité se fait jour de voir s’en dégager une avant-garde éclairée, reconnue dans le mouvement, par la masse, comme une boussole vers laquelle se tourner pour suivre le cap.

Se pose alors la question, en paraphrase du grand révolutionnaire : Que faire ? Et une fois la réponse déterminée, comment le faire, concrètement ?

Le rôle d’avant garde auquel doivent s’assigner les militants des organisations aspirant franchement à la révolution - qu’elles soient franchement communistes et/ou authentiquement progressistes et/ou absolument anticapitalistes et/ou réellement insoumises -, à cet instant, nous semble désormais devoir être d’un contenu particulier. Il ne s’agit plus de suivre ou d’accompagner le mouvement par une agitation extérieure, mais de s’y mêler effectivement.

Il s’agit d’aller là où, partout, le peuple en gilet jaune se rassemble, se retrouve, et ce non pas pour militer en quelque sorte classiquement, en diffusant, comme il se fait dans d’autres cadres, lors de manifestations ou à la sortie d’usines par exemple, une analyse marxiste ou des mots d’ordre partisans, mais pour concrètement aider le prolétariat en mouvement, d’abord à s’organiser pour lui-même et par lui-même (en comités coordonnés entre eux par des délégués précisément missionnés), de manière ensuite à concrètement le guider, à partir de ses revendications, multiples et légitimes, pour faire émerger une base revendicative qui puisse devenir son programme, et à établir une stratégie et des tactiques pour y atteindre.

Mais alors pour ce faire, l’avant garde doit alors venir à la masse des gilets jaunes où qu’elle se trouve, pour révéler à sa conscience collective, sa nature de classe.

Le combat, la lutte des gilets jaunes est une lutte de classes. Il est alors nécessaire que le prolétariat en gilets jaunes prenne conscience de son appartenance à la classe du prolétariat opprimé, et à l’antagonisme qui l’oppose à la classe des dominants, les possédants, la classe capitaliste.

Il est constant à cette heure et depuis le début du mouvement, que le peuple en gilet jaune qui bat le pavé, se défie de ses représentants politiques, des partis et des centrales syndicales (beaucoup moins en revanche des syndicats de base où l’union gilets jaunes et gilets rouges se fait naturellement). Et il a raison, mille fois raison. Qui ne voit en effet que les tenants de ces institutions politicardes n’appartiennent pas, sociologiquement, à la même classe ?

Il est édifiant de constater que, pas plus qu’auparavant depuis l’avènement de la Vème République, l’origine sociale des députés de l’actuelle Assemblée nationale est exclusive du moindre ouvrier.

On n’y trouve que 17 agriculteurs, soit 2,7% de l’assemblée, et seulement « 26 députés de la catégorie « employés » (qui) représentent 4,6 % de l’ensemble »[1]. Il y a donc une « absence des milieux populaires » dans la représentation nationale qui résulte, ainsi que le relève une étude publiée par l’observatoire des inégalités, de « deux grands facteurs : à la fois de l’effondrement du parti communiste (représentant historique de la classe ouvrière) et de l’embourgeoisement du parti socialiste, devenu un parti de diplômés »[2].

L’analyse est juste, au moins dans sa première branche. Seul le parti communiste comptait dans les rangs de ses élus, des prolétaires authentiques, raison pour laquelle leurs intérêts étaient défendus.

Qu’on songe ici à l’influence majeure des élus communistes après guerre, lorsque la part de prolétaires (ouvriers et employés) s’élevait à 18,8% de l’assemblée nationale en 1946 (record absolu depuis 1789)[3], pour comprendre comment et par qui le programme du Conseil National de la Résistance a pu concrètement être appliqué, alors par ailleurs que le gouvernement comptait, parmi les ministres communistes, un mineur (M. Thorez), trois ouvriers (A. Croizat ; F. Billoux ; C. Tillon) et un valet de ferme devenu électricien (M. Paul).

C’est donc d’une manière assez idéaliste et romantique, et somme toute un peu infantile, que l’étude précitée postule alors que « pas plus que pour la représentation des sexes, celle des catégories sociales ne garantit une politique plus juste, mais le fait que les ouvriers et les employés ne s’y expriment plus devrait néanmoins préoccuper les commentateurs ». Et d’ajouter que « l’écart est considérable entre l’ampleur du débat suscité par l’absence des femmes au Parlement et celui, presque inexistant, sur la représentation des milieux populaires ».

Si l’écart est précisément considérable entre le débat suscité par l’absence de femmes, qui serait d’ampleur (ce qui n’est même pas certain, la lutte pour l’égalité hommes/femmes ayant encore du chemin avant d’y parvenir…), et celui effectivement « inexistant » sur la représentation des milieux populaires par eux-mêmes, c’est parce que, précisément, la classe dominante, qui tient le pouvoir, ne veut pas en discuter. Il ne veut pas plus voir débattre politique de classe à classe, préférant confisquer la chose pour son plus grand profit.

Or la classe bourgeoise, capitaliste, qui s’est elle-même - partiellement – ouverte aux femmes désormais, si elle peut se reconnaître - ou en tous cas tolérer – et trouver quelques intérêts dans la députation féminine, ce n’est qu’à la condition que ces dames soient convenablement bourgeoises. Voyez par exemple Nicole Belloubet, professeur d’Université, rectrice de l’académie de Limoges, puis de Toulouse, Forence Parly, Directrice Générale de SNCF Voyageurs. Tant qu’elles n’émanent pas du bas peuple, pas d’antagonisme et portes ouvertes à elles de l’Assemblée.

Mais en revanche, de même qu’il n’y a pas d’ouvrier, il n’y a pas non plus de députée ouvrière… Ainsi est-il bien certain que la représentation « des milieux populaires » - comme il est dit par l’observatoire des inégalités - par des employés, ouvriers et paysans, c’est-à-dire la représentation du prolétariat par le prolétariat lui-même, est intolérable à la classe dominante en démocratie bourgeoise.

Cette représentation du prolétariat par lui même, c’est précisément ce qui peut amener à une prise en compte concrète de ses intérêts, comme lorsque sous l’impulsion d’Ambroise Croizat, la sécurité sociale fut conquise, puis longtemps acquise (mais désormais en danger de mort).

Pour mener la danse du capital, depuis la révolution de 1789, la classe bourgeoise promeut la représentation élective bourgeoise comme mode de démocratie. A l’origine déjà, les cahiers de doléance étaient portés non par des sans culottes, mais par des bourgeois, des notables, qui une fois assis sur les bancs de la Convention, ne les défendirent pas (relire Soboul ou réécouter Guillamon à ce sujet)…

L’assemblée nationale, hier comme aujourd’hui, est une assemblée de bourgeois qui ne peut donc, par essence, que poursuivre des intérêts bourgeois. Aussi plus de prolétaires (soit plus de gens issus des « milieux populaires »), c’est là très précisément la clé pour « garantir une politique plus juste ».

C’est cela qu’il est urgent de rappeler et de répéter, en désignant clairement l’adversaire de la masse des gilets jaunes en mouvement, c’est-à-dire qui est l’adversaire de la classe prolétaire du peuple français. Or cet adversaire n’est pas politique, même si la colère s’incarne en Macron et sa clique, pas plus que son salut ne s’incarne en un supplétif providentiel (Le Pen, Dupont-Aignan, Wauquiez, Hamon et même Mélenchon, que nous mettons dans un même sac pour la circonstance, puisque tous sont des bourgeois et des politiciens professionnels). L’adversaire, c’est la classe antagonique de la grande bourgeoisie, celle qui n’est que 1% en nombre, mais détient 99% des moyens de production et toute la finance.

La masse du prolétariat a conscience aujourd’hui de son oppression. Elle doit absolument désormais, accéder à une conscience de classe.

L’amener à prendre conscience qu’elle est la classe prolétaire, que ses intérêts de classe sont les intérêts de chacun, sans aucun autre discriminant (ni de sexe, ni de couleur, ni d’âge, ni d’origine) que d’être antagoniste en regard des intérêts du capital et de la finance coalisés, et qu’elle ne pourra obtenir satisfaction qu’en engageant la lutte de manière organisée, contre la classe antagonique, sur la base d’une feuille de route bien déterminée.

La tâche de son avant garde éclairée est alors, à cet instant, de servir d’éclairage pour rendre possible cette prise de conscience de classe nécessaire, que les médias dominants tente d’étouffer continuellement.

C’est la tâche qui nous est désormais assignée, faire émerger la conscience de classe de chaque manifestant, insurgé, révolté, militant actif ou simplement partisan du mouvement. Le temps n’est ainsi plus à l’agitation éparse et protéiforme. Le temps n’est plus au militantisme partisan. Le temps est à l’action dans la masse des gilets jaunes et sans gilets, en chaque rond-point occupé, derrière chaque barricade, dans les usines, les entreprises ou les administrations en lutte, sur chaque point de blocage, et de concentrer ses efforts à exposer la lutte de classes qui se joue, en expliquer les ressorts, pour que le mouvement de masse actuel se commue en action de classe.

MaxKo

Le 9 déc. 2018.


[1]Source www.inegalites.fr : https://www.inegalites.fr/L-Assemblee-nationale-ne-compte-quasiment-pl...

[2]Ibid.

[3]Ibid.

URL de cet article 34217
  

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