RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Chérir le sémantisme des Israéliens

Philippe Arnaud poursuit sa réflexion sur les mots utilisés par nos médias pour parler du conflit en cours.

Depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, l’énorme majorité des médias (y compris les journaux de province comme La Nouvelle République de Tours) tendent à présenter le conflit palestino-israélien en privilégiant le point de vue israélien.

[N.B. L’ordre des mots n’est pas neutre : j’ai commencé par écrire "israélo-palestinien", et le correcteur d’orthographe n’a rien signalé. Lorsque, en revanche, j’ai inversé l’ordre des termes, et que j’ai fait figurer en premier le mot dérivé de "Palestine", j’ai vu cet adjectif composé souligné d’un trait rouge comme si c’était une graphie fautive – et fautive dans tous les sens du terme : fautive non seulement de manière orthographique, mais fautive surtout de manière morale et politique. Comme si ce conflit ne pouvait être considéré qu’au travers d’une vision israélo-centrée – voire, plus largement, occidentalo-centrée].

1. D’abord par l’ouverture des journaux télévisés - par exemple celui de 13 h de France 2, le dimanche 15 octobre - sur l’assassinat, par un terroriste, du malheureux Dominique Bernard, professeur de français au lycée Gambetta d’Arras. Ce qui est significatif, en l’occurrence, est que ce terroriste est aussi (et surtout) un islamiste... comme le Hamas. Or, le Hamas, dès les premières heures de son attaque, au matin du 7 octobre, a aussi délibérément assassiné des civils israéliens sans défense (hommes, femmes, enfants, vieillards...) dans des kibboutz et une rave-party. Or, le Hamas étant Palestinien et les actions précitées étant criminelles, odieuses, abominables, ses buts, ses objectifs ne peuvent être que criminels, odieux et abominables. Certes, l’actualité impose que les sujets sur l’assassinat d’Arras et la guerre de Gaza passent en premier, mais leur succession - et leur succession dans cet ordre - ne peuvent qu’instiller cette idée dans l’esprit des spectateurs.

2. L’usage du mot "Tsahal". Tsahal est un mot hébreu, abréviation de l’expression Tsva ha-Haganah le-Israel qui veut dire, en hébreu, "Armée de défense d’Israël". Or, l’usage de cette abréviation n’est pas innocente : elle n’est, initialement, employée que par les locuteurs de l’hébreu, c’est-à-dire, en pratique, par les Israéliens. C’est une sorte de diminutif familier, affectueux employé par les Israéliens pour parler de leur armée. Lorsqu’elle est reprise, servilement, par les journalistes, elle est reprise avec ses connotations familières et affectueuses. Un peu comme les dévots des États-Unis, lorsqu’ils parlent de l’aviation militaire de ce pays disent "l’Air force", ou "la Navy", prononcée à dessein "la Névy" (à la manière supposée des Étasuniens").

3. L’identification entre la prise de position en faveur des Palestiniens et l’antisémitisme. Le tour de passe-passe consiste à assimiler le concept de "Juif" et celui d’"Israélien". Or, ce n’est pas n’importe quelle acception du mot "Juif" qui est convoquée : c’est celle des Juifs des siècles passés sur le vieux continent, celle des Juifs enfermés dans les ghettos, des Juifs porteurs de l’étoile jaune, des Juifs victimes des massacres à l’époque des croisades, victimes des pogroms dans la Russie tsariste, des Juifs harcelés et stigmatisés par les antidreyfusards au tournant des XIXe et XXe siècles, et, bien entendu, des Juifs persécutés et exterminés par le régime nazi.

4. Or, dans tous ces cas, on avait affaire à une communauté minoritaire, fragmentée, dépourvue d’un pouvoir politique, sans défense, car dépourvue de moyens militaires, isolée dans un environnement hostile. Lorsqu’une communauté change de lieu, se regroupe et se retrouve parmi des populations plus faibles, la situation change du tout au tout. C’est le cas de la majorité des immigrants d’origine européenne, en particulier des immigrants vers les pays de civilisation anglo-saxonne (États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande). Au départ, ces immigrants furent souvent de pauvres hères, chassés de chez eux par la misère, la dureté des seigneurs ou des magnats. Ou des dissidents religieux, persécutés par les tenants de la religion majoritaire. Or, que firent-ils arrivés dans le pays d’émigration ? Comme il n’y avait plus de seigneurs, plus de magnats, plus de tsars, plus d’Église officielle, ils changèrent de statut et se mirent alors à persécuter plus faibles qu’eux : les Cheyennes, les Sioux, les Séminoles, les Aborigènes, les Maoris, les Afro-Américains déportés du golfe de Guinée.

5. Un exemple parlant : en 1871, après la répression de la Commune de Paris, les Communards qui n’avaient pas été massacrés par le général de Gallifet furent déportés au bagne de Nouvelle-Calédonie. A l’issue de leur peine, certains rentrèrent en métropole et d’autres restèrent en Nouvelle-Calédonie. Eh bien, quelques années plus tard, ces anciens Communards aidèrent à réprimer une révolte de Kanaks. Lorsque les émigrants vont de leur lieu d’origine à leur lieu de destination, ils changent collectivement de nature. Identifier les israéliens de 2023 avec les juifs du Moyen âge, de l’époque tsariste ou de l’époque nazie est d’aussi mauvaise foi que de dire que la cathédrale de Tours date de 80 millions d’années parce qu’elle a été bâtie avec des pierres de tuffeau et que cette roche remonte au Crétacé supérieur...

6. Depuis la guerre de 1948, les Israéliens ont toujours été supérieurs, militairement, à leurs adversaires arabes. En 1948, un pont aérien parti de Tchécoslovaquie transporta (avec l’assentiment de Staline) des armements à destination de la Haganah. Et même lors de cette guerre, les Israéliens réussirent à mobiliser davantage d’hommes que les armées arabes qu’ils affrontaient. Et nombre d’Israéliens avaient servi, dans toutes les armes, dans les armées alliées. Ils avaient donc une expérience militaire que n’avaient pas leurs adversaires arabes. Depuis, la situation (si l’on ose dire...) n’a fait que croître et embellir. Israël bénéficie des derniers armements américains et possède l’arme nucléaire. Les thuriféraires des Israéliens présentent souvent le pays, sur une carte du monde, comme une minuscule île au milieu d’une mer arabe, elle-même partie d’un océan musulman. Mais on peut voir les choses autrement : Israël, comme la masse émergée d’un iceberg (1/10e du volume total), lesté, sous sa ligne de flottaison, par la masse monstrueuse (9/10e du volume total) de l’Occident tout entier (États-Unis et Europe).

URL de cet article 39001
  

Les trajectoires chinoises de modernisation, Jean-Claude Delaunay
La Chine est entrée dans les temps modernes, au xixe siècle, avec un mode de production inapte à assurer sa modernisation. La dynastie Qing en a fait l’expérience. Le républicain Sun Yatsen n’a pas réussi à le dépasser. Seule la révolution communiste a débarrassé ce pays de ses structures anciennes. Depuis lors, son économie a suivi de nouvelles trajectoires. La première partie du livre décrit les trajectoires réelles contemporaines de la Chine (démographiques, agricoles, industrielles, commerciales). Elle (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Si la liberté a un sens, c’est celui d’avoir le droit de dire à quelqu’un ce qu’il n’a pas envie d’entendre.

George Orwell

Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.